Couplage intrigant. Si les deux concertos n'ont rien à voir l'un avec l'autre, on sait l'admiration que portait Chostakovitch à la Symphonie Concertante de Prokofiev, version largement remaniée en 1952, du Concerto pour violoncelle en mi mineur (1933-1938). C'est cette dernière œuvre, qui n'a jamais eu de succès au concert, que Steven Isserlis entreprend de réhabiliter avec infiniment de virtuosité. Seule, par le passé, la version Starker/Süsskind avait réussi à "sauver" cette partition très difficile et à l'inspiration pour le moins inégale. L'Andante initial bénéficie d'une riche invention mélodique mais il tourne rapidement court, tandis que l'Allegretto giusto central, alliant davantage les éléments lyrique et dynamique, semble mieux équilibré. L'écueil principal demeure le long Thème et variations final où, malgré l'originalité de la forme et de beaux effets harmoniques, le discours s'enlise dans le bavardage et devient effroyablement exigeant pour le soliste. Main gauche d'acier et superbe jeu d'archet, Steven Isserlis ne se laisse pas dépasser un instant. Mais Paavo Järvi et l'Orchestre symphonique de Francfort ne semblent pas partager son enthousiasme pour cette page problématique.
L'intérêt principal de l'album réside dans une vision attachante et assez neuve du Concerto nº 1 (1959) de Chostakovitch. Sans rivaliser avec les sommets de la discographie, le violoncelliste anglais privilégie une approche sévère, austère quoique toujours très variée et colorée. Le caractère extraverti, sans faiblir, se nuance d'une teinte fauve et d'irisations assez inattendues. La partie soliste est jouée de façon hallucinante, avec un phrasé merveilleux et une grande maîtrise technique. Si le chef et l'orchestre y apparaissent davantage concernés, leur réplique trop distanciée manque un rien de puissance et d'impact.