Grâce à Gerald Finley, l'intégrale Liszt chapeautée par Julius Drake décolle enfin! Cette voix saine a les moyens de ses ambitions, sans les chevrotements, les duretés et les aigus débraillés de Polenzani et Kirchschlager. Le baryton canadien a du style, du lyrisme dans la confidence (Wer nie sein Brot mit Tränen ass d'après Goethe, Morgens steh' ich auf, Ein Fichtenbaum steht einsam et Anfangs wollt ich fast verzagen sur des poèmes de Heine), de la théâtralité sans excès quand le ton plus extraverti tend à franchir les frontières du lied. L'italien des Tre sonetti di Petrarca (deuxième version) sent un peu le vagabondage touristique mais les vers de Béranger et Hugo sont servis par un français très honnête. Malheureusement, le baryton n'est guère choyé par le programme où dominent les tempos lents et un matériau musical disparate, qui suit le poème pas à pas, quitte à égarer l'auditeur.
Ce qui plombe surtout l'affaire, ce sont la propension au dramatisme pompeux (Gastibelza, le Vieux Vagabond, Die Fischerstochter, Die Vätergruft) et les commémorations filandreuses auxquelles Liszt sacrifie trop volontiers (Weimars Toten, Und wir dachten der Toten). Finley et Drake restent alors un peu en retrait. Soucieux de ne pas surligner les travers du compositeur, ils n'évitent pas l'ennui et semblent par moments attendre que le temps passe. Le prix à payer pour une intégrale.