La musique de Benjamin Godard n'a jamais trouvé sa place dans le paysage musical français. Mort trop jeune au moment où perçaient de puissantes lames de fond qui allaient renouveler la musique, il ne se trouva plus grand monde pour le défendre. Resta le souvenir d'un politique compositeur de salon et d'opéras qu'aucun théâtre ne jouait plus. Pour son malheur, il ne survécut que par un 'tube' la Berceuse de Jocelyn (dont les interprétations se comptent par dizaines, de Tino Rossi à Jascha Heifetz!). Plus complexe et moins classique que celle de Saint-Saëns, moins austère que celle de D'Indy, moins originale que celle de Fauré, la musique de Godard se caractérise par une belle inventivité, dans une esthétique que l'on peut qualifier de romantique. Les deux Concertos pour piano en la mineur et sol mineur, respectivement composés en 1875 et 1896 sont en quatre mouvements et explorent tous deux des climats affectifs très divers, du franchement lugubre au plaisant passant par le lyrique et le grandiose. L'écriture pianistique est d'une grande virtuosité proche de l'effervescence de Gottschalk et de Saint-Saëns. Lorsqu'il composa l'Introduction et Allegro (1880), on peut imaginer que Gordard avait en tête l'œuvre du même titre que Schumann. Pourtant, il se situe très loin de l'élan éperdu de son aîné. Après une Introduction grave et profonde, la musique semble avoir le diable au corps dans un Allegro léger et déluré, une polka typiquement parisienne.
Les trois œuvres étaient déjà disponibles dans l'interprétation de Victor Sangtiorgio et l'Orchestra national d'Ecosse dirigé par Martin Yates, réparties sur deux CD d'une passionnante anthologie Godard (Dutton). L'interprétation de Shelley, chef et pianiste à la fois et à qui la série "The Romantic Piano Concerto" doit beaucoup, bénéficie de sa maîtrise du grand style international de l'épique romantique et nous convainc pleinement de la valeur de ces œuvres.