Balakirev, Carl Philip Emanuel Bach et Haendel, les sonates ou les concertos de Bozen, Dale, Chisholm: Danny Driver aime s’éloigner des sentiers battus. Même quand il sert Schumann, et s'intéresse à deux cahiers assez peu fréquentés: les Nachtstücke, pièces lugubres qui accompagnèrent les pensées morbides du compositeur à la fin de son séjour à Vienne, en 1839, et les huit Novelettes, pages exubérantes et vastes qui auraient dû s'appeler Wieckette du nom de la fiancée de Schumann, mais "parce que cela ne sonnait pas assez bien" furent finalement baptisées d'après le patronyme d'une autre Clara, à savoir Clara Novello, une cantatrice anglaise. Dans ce tourbillonnant Opus 21, Schumann donne libre cours à son imagination débridée, il module allégrement dans les tons les plus éloignés, enchaîne les idées musicales avec un enthousiasme qui ne tolère aucun temps mort. C'est bien cette excitation permanente que traduit avant tout le jeu de Danny Driver: l'énergie vitale qui s'impose dès les accélérations rythmiques ouvrant la première pièce ne faiblit jamais tout au long de sa lecture. Avec virtuosité, il se joue des multiples chausse-trappes parsemant la partition, sans jamais transformer en études techniques ces pages flamboyantes (la deuxième, Paganini fait piano!) et kaléidoscopiques.
Notre seule réserve concerne, dans les romances et les épanchements qui ponctuent les passages les plus allègres, l'absence quasi-totale d'agogique—un Claudio Arrau parvenait à donner une formidable souplesse à ces mélodies émouvantes et mendelssohniennes. Ce qui vaut aussi pour la tendre Romance op. 28 nº2; un peu trop droite, trop objective. Sans surprise, les Nachtstücke op. 23 sont donc assez peu nocturnes, plus élancées que mystérieuses. Et pourtant, cette option vigoureuse et tirée au cordeau réussit à convaincre grâce au jeu impeccable du jeune pianiste britannique.