S'il n'est pas encore représentatif de la maturité de son auteur, le Concerto de Busoni (1897) montre déjà la sûreté de plume et la perfection de lignes d'un maître. Ici interfèrent les influences de Beethoven, Brahms et même Schumann, le mouvement lent s'élevant jusque' l'état de grâce d'un larghetto beethovénien et le final impétueux résonant des rumeurs et des festivités d'un joyeux "Carnaval". C'est cependant un très italien bel canto qui se coule dans le moule germanique, cette dualité originale le renvoyant à l'atavisme latino-germanique de l'auteur. La très belle adaptation concertante de la voix soliste de la Missa solemnis (1916) rappelle les affinités beethovéniennes du Michel-Ange de la musique et son génie d'arrangeur. Après quoi le concerto de Richard Strauss peut sembler bien léger. Beethoven est ici encore le modèle avoué, Weber ayant peut-être aussi prêté main-forte. Le vrai Strauss est encore loin (il avait alors 17 ans), mais l'élan juvénile, les belles sonorités cuivrées des cors et quelques touches de style galant sont bien déjà les marques du futur auteur du Chevalier à la rose. Les meilleurs moments sont ravissants et sonnent comme un pastiche de Mozart.
Le couplage des deux concertos est idéal. Tanja Becker-Bender avait prouvé la perfection de sa technique et la musicalité de son jeu dans un excellent concerto de Reger, chez le même éditeur. Elle s'avère capable de conférer une certaine densité et un réel attrait à des pages, qui, avec d'autres, auraient pu paraître un simple exercice d'école, d'un intérêt essentiellement documentaire. Ainsi peut-elle rendre compte de la phase de développement des deux jeunes musiciens avec la fidélité d'un historien, tout en laissant l'auditeur sous le charme de ces juvenilia sans prétention.