Après avoir suscité l'enthousiasme par son enregistrement des pages tardives de Ferrucio Busoni; le pianiste canadien Marc-André Hamelin émerveille tout autant dans cette anthologie debussyste par la dextérité d'un jeu souple, profond et élégant à l'intelligence sans cesse en éveil. Dans les deux Cahiers des Images (1905-1907), la limpidité de la ligne, la fluidité aquatique attachée à la moindre nuance transportent dans le royaume poétique de l'imaginaire. Un savant travail sur le son ainsi que sur les vibrations du timbre du piano créé une transparence impalpable (Reflets dans l'eau). La sensibilité effleurée (Hommage à Rameau), l'immobilité contemplative (Et la lune descend sur le temps qui fut), la subtilité imperceptible (Cloches à travers les feuilles) sont traitées avec une alchimie féérique d'un naturel confondant , et l'animation toujours contrôlée (Mouvement) témoigne continûment de la même aisance digitale (Poissons d'or). Avec le Second Livre des Préludes (1913), la virtuosité exceptionnelle de l'interprète (Feux d'artifice, les tierces alternées où se profilent déjà les Études par la puissance du trait) engendre des visions fortes sans exclure la dimension du rêve (Brouillards, La terrasse des audiences du clair de lune) et de l'humour malicieusement distillé (Général Lavine-Excentric, Hommage à S. Pickwick Esq …). En véritable Protée, Hamelin met en mouvement tout un monde de sons et de contrastes (la gravure à la pointe sèche de La Puerta del Vino) qui agit sur nos sens, ouvrant des voies très personnelles sur l’interprétation de la musique de Claude de France. Cet enregistrement s'inscrit dans le sillage des réalisations d'Arturo Benedetti-Michelangeli ou de Krystian Zimerman (pour les Préludes seuls) dont il possède sans conteste le sens aigu de l'architecture, de la beauté pure et de la volupté de l'instant. Un disque de référence.