En sonate ou en concerto, les Haydn de Marc-André Hamelin ne nous aveint guère emballés. Avec son double album Mozart du jour, l'hyper-virtuose canadien persiste et signe dans un classicisme viennois qui ne semble pas être son terrain de prédilection. Entendons-nous: la maîtrise digitale est superlative, et le jeu éclaire les moindres échanges contrapunctiques, ou fait littéralement jaillir du clavier des thèmes pressés d'en découdre (finale de la Sonate KV 332 entrée de la basse dans celui de la KV 576 …): Quel bonheur aussi devant la fausse ingénuité de la KV 545, irrésistible (la réexposition à 2'08", un modèle du genre. D'un tel pianiste, nous serions donc en droit d'attendre des basses d'Alberti moins paresseuses (KV 283), des arpèges un peu moins secs, des syncopes plus haletantes (Allegro de la KV 332). Bref, un peu plus de théâtre et moins de mécanique aussi sublime soit-elle.
On a souvent le sentiment d'entendre un Hamelin à l'étroit, n'osant pas aller au bout de ses idées, retenant parfois son geste. Comme un symbole, la conclusion imaginée par le pianiste pour la Fantaisie (inachevée) KV 397 est à peine moins lapidaire que celle couramment jouée: un comble, quand on sait les dons d'improvisation d'Hamelin et son goût pour les réécritures "à la manière de"! Au moment où le vaillant Menahem Pressler nous offre une leçon de musique dans un programme similaire malgré des doigts trahissant leur âge (La Dolce Volta), le contraste avec ce florilège irréprochable techniquement mais aseptisé sur la longueur n'en apparaît que plus clairement. Sans vouloir enfermer Hamelin dans les pages tentaculaires et touffues d'Alkan, Busoni, Godowsky ou Medtner don’t il est le spécialiste incontesté, c'est bien là que son art s'épanouit.