Les pièces de Schumann contenues dans l'enregistrement de Danny Driver datent des années 1838-1839, une époque contrariée où le compositeur doit quitter Leipzig pour Vienne sous la pression du père de sa fiancée Clara Wieck. Les Cahiers des huit Novelettes op. 21 et des quatre Nachstücke op. 23 expriment les humeurs d'un tempérament bipolaire porté tout autant à l'exubérance excessive qu'à la morbidité extrême. Au sein de ces paysages ondoyants et divers, cette interprétation franche de ton et assurée privilégie l'affirmation de la raison par rapport à l'exploration intime aux tumultes du cœur. Toujours narrative, la conception d'ensemble est servie par une aisance digitale constante et un sens du rythme hors pair regardant plus l'adret que l'ubac des versants schumanniens. La part de mystère et de fantaisie des Novelettes échappe au traitement que lui impose le soliste, tandis que les Nachstücke brillent plus par leur lumière aveuglante que par le poids des ténèbres et des rêves sous-jacents. Dans la brève Romance n°2 d'une belle ligne vocale, Danny Driver préfère une neutralité contrôlée aux profondeurs de l'âme.
Cela ne remet pas en cause la performance d'un soliste en pleine possession de ses moyens techniques qui parvient à surmonter toutes les difficultés arachnéennes semées en chemin (Novelette n°8). Ne manquent que cette liberté supérieure et cette divagation fantomatique inhérentes à la musique pour clavier de Robert.