Les Six Sonates d'Ysaye furent composées rapidement en 1923 dans un style qui semble ne rien devoir a personne. Sauf citation volontaire, elles ne se réfèrent même pas aux Sonates et Partitas de Bach, à qui elles rendent cependant un lointain hommage. Ces pages fondamentales de l'histoire du violon disposent aujourd’hui d'une vingtaine d'enregistrements mais, hormis Gidon Kremer (Olympia) et avant lui Ruggiero Ricci (VoxBox), les stars du violon n'ont pas enregistré l'intégrale. Les meilleures versions ont été récemment signées par Tedi Papavrami (Zig Zag Territoires), Laurent Korcia (Arion), Marianne Piketty (Maguelone) ou Philippe Graffin (Hyperion).
Qu'a-t-elle alors de plus, Alina Ibragimova? Pas la technique ni la virtuosité ni même la pure beauté du son: à ce niveau, presque tout le monde est à égalité. Mais la jeune Russe déploie une imagination sonore continue au service de textes dépeignant des climats constamment varies. Son jeu protéiforme se fait tour à tour délicatement impressionniste, vigoureux parfois jusqu'a la brutalité contrôlée, lyrique, grinçant, humoristique, souvent diaboliquement virtuose mais jamais creux, rehausse d'un formidable travail de la sonorité. S'y ajoute une impression d'élan naturel comme si elle improvisait la musique avec une passion communicative. Ainsi, même les pages moins accessibles comme la Sonate nº 3 Balladeparaissent limpides. Cette réalisation extraordinaire fera mieux connaitre des plus grandes violoniste de notre temps.