Après le choc provoqué par les Pavel Haas, place à la noblesse. Aux antipodes des jeunes Tchèques qui tiraient tout récemment le Quatuor De ma vie vers une certaine forme d'expressionnisme, le Smetana des Takács serre les dents plus qu'il ne hurle son angoisse (Allegro vivo appassionato). La polka du deuxième mouvement passera peut-être pour trop aristocratique aux oreilles de certains, mais le lyrisme poétique du Largo sostenuto devrait parler à tous. Le finale exulte gentiment jusqu'à ce que l’évocation des premiers acouphènes du compositeur syphilitique (le mi suraigu du primarius) ne plonge les musiciens dans une nostalgie pensive. Très distingué.
Ni véritable crise de nerfs, ni rage autodestructrice, ni tempête psychologique dans La Sonate à Kreutzer—ce que l'on regrette. Si les Takács travaillent le son et varient les effets; ils se contentent d'une construction assez sage, ne prennent aucun risque, et disent le texte sans éclat de voix (même dans le chaos organisé du troisième mouvement). On attendait des fulgurances théâtrales et un investissement total, on assiste la plupart du temps à une lecture à l'italienne. Par de grands acteurs, certes, mais cela ne suffit pas.
Allantes, les Lettres intimes ravivent la flamme. Légèreté et fébrilité du cœur amoureux, plénitude, extase, langueur, sentiment de liberté extraordinaire, tout s'y trouve. Tout? Presque. Davantage de frénésie dans l'expression du désir et du tourment aurait, ici et là, provoqué des ruptures plus marquantes. Pas de quoi bouder une superbe leçon de quatuor pour autant.