En osant des programmes aux rapprochements inattendus et subtils; Stephen Hough prend le risque de disques à demi réussis. Il faut chercher le meilleur du nouveau venu dans sa partition la moins radicale: Sur un sentier broussailleux offre à l'interprète un terrain de jeu à la hauteur de son imagination délicate. Hough souligne la mouvance de l'harmonie en se permettant de rafraîchissantes libertés avec (ou à l'intérieur de) la barre de mesure, varie les couleurs et les éclairages, fait des jolis ronds dans l'eau et semble avoir gardé la capacité d'émerveillement d'un enfant. Dommage qu'il reste timoré lorsqu'il s'agit de hausser le ton dans les sections contrastantes de quelques pièces.
La Sonate "1.X.1905"—inspirée par la bavure policière qui coûta la vie à un jeune militant nationaliste dans une manifestation ) Brno—suscite la même réserve. A trop se servir de sa tête, le Britannique ne parvient pas à nous prendre à la gorge. S'il distribue les uppercuts avec la précision du boxeur (poids léger), il ne rend pas grand-chose de la violence ressentie dans la cohue d'une foule oppressante (Pressentiment). Entre désolation et recueillement, le deuxième volet ne laisse paraître aucune lueur d'effroi dans le regard. Dans un registre comparable, tout ce qui manque ici se trouve chez Firkusny (DG).
D'un univers anticonformiste à l'autre, on se gardera évidemment de comparer le Scriabine de Hough à celui d'Ashkenazy ou Sofronitzki—reprocherait-on à un splendide chat de n'être pas un tigre? N'empêche, ni la Sonate nº 4, dont le pianiste vide le chromatisme d'une grande partie de son pouvoir d'attraction érotique, ni la 5ème, où il aime à se pelotonner dans une ouate parfois quasi impressionniste, ni Vers la flamme ne tirent franchement profit de l’écriture convulsive du Russe. D'autres répertoires conviennent mieux à sa patte.