En concert Steven Isserlis agite sa crinière bouclée à hue et à dia, tirant son archet, comme un fleuret, quitte à perdre la musique. Il reste quelque chose de cette ardeur aussi généreuse que dangereuse dans son concerto d'Elgar, heureusement surveillé par la baguette impérieuse de Paavo Järvi. Les chants éperdus, les traits surprenants, les volte-face et ce vibrato passionné venu d'un autre âge agaceront les uns, mais réjouiront les autres.
Le péril guette parfois. Son haut médium manque de projection lorsque l'archet veut mordre la corde une certaine tension lui fait défaut: l'Allegro molto le trouverait presqu'en difficulté si Paavo Järvi ne l'y soutenait avec une telle précision. Sa direction acérée, son sens des climats élégiaques font le prix de ce disque autant que l'ardeur de son soliste. Le concerto y gagne une qualité de dessin absente de la vision plus symphonique dirigée il y a vingt-huit ans par Richard Hickox, pour le jeune Isserlis (Virgin).
Dans l'œuvre de Walton le sertissage des timbres émaille un discours vigoureux où passent les ombres de Prokofiev et de Stravinsky. Porté par ce décor flamboyant, Isserlis ose la fougue de Piatigorsky. On rend les armes devant un lyrisme si assumé.
Le meilleur de ce programme généreux en quatre temps vient avec les œuvres des Holst père et fille. Incantation (1911) appartient à la veine de ces poèmes d'inspiration symboliste dont Gustav avait le secret. Ici, le violoncelle et l'orchestre tissent un rêve à la fois étrange et somptueux. Dans sa notice instructive—Isserlis signe souvent les textes de ses disques—le violoncelliste rappelle sa rencontre avec Imogen Holst qui lui demanda de jouer The Fall of the Leaf (1963), Trois études automnales sur un thème emprunté au Fitzwilliam Virginal Book. Ses sonorités recherchées, ses formes savantes, son esprit de suite ont profondément marqué Benjamin Britten, qui y trouva le modèle de ses opus pour le violoncelle seul.