La voix chaude et phonogénique de Sasha Cooke illumine de ses reflets mordorés le quatrième volume de cette intégrale. Plainte de la femme abandonnée dans Verlassen, effusion douloureuse de Mignons Lied (le célèbre Kennst du das Land), fin murmurée de Des Tages laute Stimmen schweigen, Sei still et Gebet: avec une grande sensibilité, la mezzo-soprano américaine équilibre pathos et intériorité. La prédominance des lieder lents et désenchantés pourrait engendrer l'ennui, mais sa capacité à varier coupleurs et densité dans le déploiement de la ligne vient à propos nuancer le climat (même si l'imperfection du soutien entraine de légères fluctuations d'intonation).
Wer nie sein Brot mit Tränen ass a mieux inspiré d'autres compositeurs, Wieder möcht' ich dir begegnen tire a la ligne, Il m'aimait tant (seule incursion en français du programme) se complait dans une emphase filandreuse. Dans le domaine du lied, le Liszt tardif (presque la moitié des titres ici) n'a pas l'étrangeté hypnotique des pièces pour piano. Des lors, on regrette que les deux interprètes n'exploitent pas davantage les contrastes que permettaient les deux premières versions de Was Liebe sei (pas assez espiègles), La Loreley (ou l'on attend plus de mystère). Il manque un frémissement intérieur, la faculté d'habiter les silences. Julius Drake excelle lui aussi dans la rêverie (sonorité de cristal), respiration d'un discours très attentif a la voix), mais prend trop de précautions dans les moments tragiques. En dépit de ces réticences, le bilan est plutôt positif et nous invite a suivre attentivement la mezzo de trente-trois ans.