On en connaissait l'existence, mais sa trace était perdue depuis que Moritz Moszkowski avait répondu à un admirateur américain que la partition était parfaite pour caler son tabouret de piano pendant qu'il étaudiait des œuvres meilleures… Dédié à Franz Liszt avec qui il le joua à deux pianos; exécuté une ou deux fois en public puis remisé, ce Concerto op. 3 sera remanié sur le tard pour une édition que le compositeur ajourna en remboursant l'avance qui lui avait été accordée.. .
C'est dire que Moswkozski ne tenait pas à cette œuvre de jeunesse, finalement retrouvée à la Bibliothèque nationale de France n 2009, dans un fonds vendu en 1961 par la belle-fille d'Odilon Redon. Le peintre était un ami du compositeur et pianiste, qui passa les trente dernières années de sa vie près de Paris, brisé par la mort de sa femme qui était la sœur de Cécile Chaminade.
Découvert à Paris, le concerto a été (re-)créé à Varsovie par les interprètes réunis sur ce disque, qui l'ont enregistré en Ecosse pour un éditeur anglais… L'honneur est sauf: la partition est éditée en France par Symétrie. Signalons aux programmateurs qu'une symphonie et un quintette avec piano attendent à la Bibliothèque nationale.
Ce premier concerto n'a rien à voir avec le rayonnant et joyeux deuxième, enregistré à plusieurs reprises, encore tout récemment par Joseph Moog (Onyx, cf. nº 638). Il dure cinquante-quatre minutes et s'articule en quatre mouvements, comme le Concerto nº 2 de Brahms. La comparaison s'arrête là. Même admirablement jouée par Ludmil Angelov, l'œuvre peine à retenir l'attention, ou plutôt elle souffre de nombreux tunnels, où le compositeur ne nous prend pas par la main pour rêver en sa compagnie. L'humeur générale est sombre, plus introvertie que tourmentée, et l'écriture plus solide qu'économe: il n'est pas donné à tout le monde de tenir un mouvement lent quinze minutes et un finale vingt. Les difficultés pianistiques sont peu gratifiantes pour le soliste qui s'escrime sans que l'on s'inquiète pour lui ou que l’excitation nous gagne…
C'est pourtant avec la foi du charbonnier qu'Angelov et Kiradjiev vont à la minute pour faire renaître ce concerto: La Rhapsodie russe d'Adolf Shulz-Evler aurait pu rester au fin fond de la bibliothèque où elle dormait: elle est à peine rhapsodique, et sa Russie est terne. Une pièce concertante de Cécile Chaminade aurait été mieux venue.