Copieux album, qui explore l'engouement de l'Angleterre du XIXe siècle—et jusqu'à la Grande Guerre ici—pour le madrigal d'inspiration Renaissance et ses larges évolutions, à quatre, cinq, six, huit ou dix voix.
Le programme ne pouvait pas faire l'impasse sur Robert Lucas Pearsall (1795-1856): un honnête homme au savoir encyclopédique en matière d'art polyphonique européen, qui a passé les quatorze dernières années de sa vie en Suisse—le label Musiques Suisses lui a d'ailleurs consacre une admirable monographie réalisée par les Préraphaélistes Singers. Mais c'est dans sa ville natale qu'il cofonda en 1837 la Bristol Madrigal Society, composant dans la foulée les cinq pièces gravées par le chœur londonien de Royal Holloway, Rupert Gough et ses jeunes étudiants trouvent le ton de chaque situation, le point d'équilibre entre fraicheur et maturité sonore, avec une mise en place irreprochable: Sing we and chaunt it (1840) danse d'une allégresse sans fioriture, Lay a garland (1840) règle son merveilleux jeu de résonances et d'imitations dans une cour calme pour ne pas ébranler l'édifice.
Le moins connu Henry Leslie nous charme avec le contrepoint fleuri, épicé de chromatismes de My love is fair (1867), et John Stainer fait de The castle by the sea (ca. 1865), à deux fois cinq voix, un paysage avec château neo-médiéval sous des ciels harmoniques changeants: so romantic! Plus libre que strictement madrigalesques, Stainer déploie ses gestes sur la longueur, avec un défi d'ampleur et d'endurance technique que relève fort bien le chœur, par exemple dans une Flora's Queen (1899) quasi haendélienne.
Au tournant du siècle, la chanson polyphonique gagne une belle intensité avec Arthur Murray Goodhart et sa Lady on the silver throne (1899). L'ambition de Charles Villiers Stanford se situe à un plus haut niveau encore dans God and the universe (1906), avec de subtiles textures dans le médium entre les aigus inondés de lumière et des basses polarisantes.
Et que dire de l'urgence qui se dégage du finale d'On Time (1914)! Peu importe que les rives du madrigal semblent loin, ce double chœur nous aimante. Avec quelle maestria les jeunes Londoniens savent ici faire oublier leurs imperfections (dans la projection de l’aigu, le timbre…) et la candeur qui se dégageait de certains motifs des premières pages!