Né en 1989 à Novossibirsk, Pavel Kolesnikov a un son à lui, une présence et cette petite chose si importante qui signale une individualité unique: il sait, sans forcer la voix, raconter des histoires. Formé à Moscou chez Serge Dorensky, à Londres chez Norma Fischer et enfin à Bruxelles chez Maria Joao Pires, il nous livre ici son deuxième récital après des Saisons de Tchaïkovski que Laurent Marcinik distinguait par un Diapason découverte. Mises en boite dans le Wyastone Concert Hall, à Monmouth, ou Nimbus enregistrait ses disques, ces vingt-quatre mazurkas échappent aux captations métalliques qu'Hyperion met en œuvre de temps à autre. La prise de son sert admirablement un jeu dont la sophistication ne s'accompagne d'aucun maniérisme, et dont le naturel expressif n'est pas le fait d'une simplification. Le rebond des accents invite à claquer le talon, la nostalgie ne pleurniche jamais, la force virile ne pue pas la testostérone.
Dessiner, sous un toucher souvent piano, des rythmes aussi souples et nets n'est pas un don du ciel mais le signe d'une impeccable discipline, doublée d'une grande écoute de l'instrument. La difficulté des mazurkas est moins apparente que celles des nocturnes: leur brièveté, leur relative facilité pianistique et leurs climats si différents font qu'il est rare qu'on s'ennuie à leur écoute enchainée. Mais il n'est pas moins rare qu'un pianiste les déploie avec le bonheur narratif de Kolesnikov! Il a su combiner vingt-quatre pour dérouler une histoire qu'il inscrit dans les paysages changeants. Tonalités, caractères, tempos finissent par créer une œuvre nouvelle, qui vaudrait plus que la somme de ses éléments.
Nous sommes là face à une sorte de miracle, qui rappelle quelques anthologies publiées à l'ère du LP, dont les disques de Kapell (RCA) et Novaes (nos Indispensables) sont des fleurons. Kolesnikov, comme tous les pianistes de sa génération, connait d'autres grands classiques tes Friedman, Horowitz et bien sûr Rubinstein. «Informé», il va son chemin sans ombre portée pour le freiner.