Au printemps 1929, Krenek effectue un voyage qui lui inspire aussitôt le Reisebuch aus den österreichischen Alpen sur vingt de ses propres textes. Le cycle, fortement autobiographique, avoue sa dette envers Schubert, dont le centenaire de la mort avait été célébré avec faste l'année précédente. Mais il n'est pas aussi pessimiste et désespéré que Winterreise, puisque le voyageur retrouve ici la chaleur de son foyer. Krenek observe toutefois avec un regard critique les fléaux de la société moderne (Alpenbwohner, tableau caustique d'un tourisme de plus en plus envahissant) et, au fil de ce Journal de voyage à travers les Alpes autrichiennes, prend conscience du temps qui le sépare de son modèle romantique.
En l'absence d'une traduction française des textes, l'œuvre laissera le non-germaniste sur le bord du chemin. Dommage, car Florian Boesch y convainc bien davantage que dans Schubert. Son ton mordant et démonstratif convient à l'âpreté harmonique de Krenek, à sa prose poétique et musicale qui suit pas à pas le déroulement narratif. Guère de sous-entendu dans ce Reisebuch, peu de séduction mélodique, mais une tendance à l'emphase et au surlignage des intentions qui permet au baryton de s'en donner à cœur joie (Politik, Gewitter, Entscheidung) et… trahit quelque peu les limites de sa projection. Les quatre lieder de Zemlinsky qui complètent le disque tombent, en dépit de la pertinence chronologique et géographique, comme un cheveu sur la soupe, la lecture souffrant en outre d'un déficit de sobriété.
Il faut tendre l'oreille pour apprécier la justesse stylistique de Vignoles, au piano lointain, que la captation afflige d'une sonorité sèche.