Né Polonais, éduqué à Cracovie où enfant, il subjugue par sa virtuosité pianistique, à dix-huit ans, Zygmunt Stojowski débarque à Paris. Louis Diémer l’accueille dans sa classe, mais vite sa réputation de concertiste lui ouvre les portes des salons, son jeu altier méduse Saint-Saëns—il se fera son zélateur, le pianiste accaparant son Quatrième Concerto—et séduit Tchaïkovski de passage à Paris qui gardera jusqu’à sa mort des relations affectueuses avec ce jeune homme polonais dont la nature passionnée lui plaisait.
Mais le grand projet de ses années parisiennes sera de parfaire ses connaissances dans le domaine de la composition. Léo Delibes l’y aidera, lui offrant son orchestre évocateur et précis, il commence à composer d’abord pour son instrument—ses deux Concertos mériteraient d’être réévalués—mais aussi pour le violon dont la nature lyrique correspond à sa sensibilité avec plus d’évidence encore que le clavier. Deux très belles Sonates en attestent, et ce Concerto pour violon dont Paris vit la création le 25 mars 1900 sous la direction de Camille Chevillard. Comment ne pas entendre dans son discours ténébreux, dans sa lyrique effusive, un ton résolument français, jusque dans ses envolées oniriques où passe le souvenir du Poème de Chausson?
La Romance écrite sensiblement à la même époque que le Concerto, dédiée à Jacques Thibaud, désarme par sa longue mélodie si ardente, merveille qui n’aurait jamais du quitter le répertoire du concert et que Bartłomiej Nizioł joue amoroso, phrasant large. Il donnait déjà du Concerto une lecture au lyrisme troublant dans l’orchestre profus que lui distillait Łukasz Borowicz, dont j’espère qu’il nous offrira un jour prochain la première mondiale de la Symphonie en ré, autre grand opus parisien de Stojowski.
Après cela, le grand numéro de la Fantaisie brillante sur des motifs du Faust de Gounod brossée avec une pointe de génie par Henryk Wieniawski peut bien paraître, avec son violon qui incarne tour à tour tous les héros du drame de Goethe. C’est brillant, passionnant, foudroyant parfois (et d’abord par l’aplomb qu’y met Nizioł) mais comparé à la muse lyrique de Stojowski, c’est trop peu.