Couplage logique et généreux entre deux grands trios russes, par la nationalité sinon par le style. Car Taneïev, pourtant élève de Tchaïkovski, regarde vers l'Occident en composant ces quatre mouvements(1907) d'une structure à la fois classique et comme toujours très élaborée—le compositeur était passé maitre dans le mélange de formes apparemment très différentes, comme le scherzo qui inclut un jeu de variations. Aucun élément populaire dans cette page impressionnante et austère, loin de la passion qui rend le Quintette avec piano du même Taneïev bouleversant (les deux œuvres étaient réunies dans un disque fantastique animé depuis le piano par Pletnev, chez DG et salue par un Diapason d'or).
Quant au trio (1897) laissé inachevé par Rimski (son gendre Maximilian Steinberg reprendra les esquisses), il montre combien, prive des sortilèges de l'orchestre, l'art de son auteur perd en charme envoutant. Le Leonore Piano Trio en donne une lecture dont la très belle tenue instrumentale est presque trop parfaite et corsetée pour ces deux amples partitions dont la «respectabilité» pourrait être bousculée sans dommage. Si sa piètre qualité sonore ne vous rebute pas, retournez plutôt écouter la gravure de référence laissée en 1952 par le trio Oistrakh (Oistrakh/Oborine/Knouchevitski) pour entendre ces deux œuvres enlevées avec une tout autre flamme.