Qui pourrait se douter qu’à seulement 16 ans, le catalogue de Mendelssohn comportait déjà douze symphonies pour cordes, six opéras, l’Octuor à cordes, lieder, quatuors avec piano, pièces pour piano …? Derrière cette surprenante réalité se cache aussi l’une des ouvertures les plus célèbres du compositeur: Le Songe d’une nuit d’été. Lorsque qu’à 17 ans le jeune compositeur lance le projet d’une ouverture, ou plutôt poème symphonique comme le souligne très justement Lindsay Kemp dans les notes de programme, inspirée de la comédie féérique éponyme de Shakespeare, il n’a pas encore en tête son futur opus 61 et fait défiler ainsi dans cette œuvre de jeunesse paysages, nature, fées (Puck, Oberon …). Ce n’est que 16 ans plus tard que le Roi de Prusse sollicite du compositeur une musique de scène pour compléter Le Songe. Dans un mélange réussi de pièces vocales et orchestrales où s’épousent naturellement textes chantés et textes parlés, force est de constater que Mendelssohn n’a rien perdu de sa vitalité et de sa jeunesse d’antan: délicatesse, maturité expressive, dynamiques sautillantes …
De nouveau à la tête du London Symphony Orchestra, John Eliot Gardiner se démarque par sa clairvoyance et son expertise. Dans l’Ouverture, le ton adopté est léger, fluide, sans accrocs. Une baguette qui donne aussi beaucoup de visibilité à la polyphonie en ne laissant rien au hasard, des pizz des altos aux contrastes des nombreuses dynamiques précisées par le compositeur. De manière peut-être plus révélatrice ici que dans l’op. 61 (pour rappel, il s’agit essentiellement de pièces courtes où la structure s’avère moins complexe), Gardiner s’aventure volontiers dans la construction harmonique pour offrir une vision et donc une direction intelligemment menées dans un répertoire qui peut vite se transformer en un véritable cauchemar tant la frontière entre le ton juste et les fautes de goût est étroite. S’enchainent ensuite et très naturellement les différents épisodes de l’opus 61: dynamiques toujours aussi envoutantes, lecture d’une précision quasi chirurgicale où s’invite avec élégance les interventions parlées dans un anglais parfait de Ceri-Lyn Cissone, Alexander Knox et Frankie Wakefield. Quant au chœur, exclusivement composées de voix de femmes, on saluera le timbre épuré—et plus particulièrement les interventions solistes (Charlotte Ashley, Jessica Cale, Rebecca Hardwicj et Sarah Denbee)—l’homogénéité entre pupitres et un texte tout aussi vivant que la narration. Mais avant la célèbre «Marche nuptiale» prise avec simplicité, et en absence des clichés habituels, se démarque surtout le «Nocturne», véritable coup de cœur, où le couple bassons/cor vibre d’une seule voix, sensible et sereine. Voilà à nouveau une référence incontestable pour un chef et des musiciens qui ont compris que la musique de Mendelssohn ne se satisfait pas d’une simple lecture.