Natalie Clein, qui vient de fêter ses quarante ans, nous a déjà gratifiés d'excellents enregistrements pour Hperion, dont un programme malin Bloch/Bruch partagé avec Ivan Volkov et le BBC Scottish, et une sonate de Kodaly très accomplie, qui laissait augurer ce qui nous arrive aujourd'hui: son seul Guadagnini lui tient compagnie dans cinq œuvres majeures du XXème siècle pour violoncelle solo, et c'est un projet qu'il faut savoir porter.
Les Suites (1956-1957) de Bloch avaient bénéficié d'une interprétation mémorable d'Emmanuelle Bertrand en 2002 (HM, Diapason d'or). Le son e Natalie Clein est plus rond dans le grave, mais leurs options sont proches dans bien des mouvements. Difficile de choisir. On se situe ici au plus haut niveau, sans rien qui distraie de la musique—qualité de son constamment superbe, dynamique large, pulsation d'airain, tempos généralement enlevés sans jamais être pressés.
C'est très beau, surtout la Suite nº 3 dont la poésie semble trouver en l’interprète des connexions plus profondes; cette œuvre fut écrite non seulement quelques mois après les deux premières, mais surtout après une crise cardiaque qui frappa Bloch en septembre 1956. Il en découle quelque chose d’indicible dans cette ultime Suite, et l’interprète l’a capté.
Le superbe triptyque de Dallapicola—«un chef-d’œuvre squelettique en forme de défi» comme l’écrit judicieusement Natalie Clein—est la page la plus ancienne (1945) du programme. Ecrit pour Gaspar Cassado à l’issue de la guerre et marqué «Deo gratias», ce Ciaccona, intermezzo e addagio contemporain du Prisonnier est tout aussi fort. Natalie Clein en offre une nouvelle et incontestable référence, à écouter d’urgence.
Ligeti jeune, dans sa brève sonate en deux mouvements (1948/1953), rend hommage à son maitre Kodaly (Dialogo) et a Bartók (Capriccio—formidablement maitrisé par notre interprète). Il clôture un programme ambitieux, aventureux, admirablement défendu et qui, malgré sa note dramatique dominante, remplit de bonheur.