Le piano Érard de 1851, d’une sono-rité un peu voilée, aux marteaux surveillés, s’accorde merveilleusement avec un violoncelle doux et moelleux, aux cordes en boyau. Loin d’un romantisme tempétueux, Dénes Várjon et Steven Isserlis livrent une lecture chambriste, dont le caractère nostalgique est renforcé par le choix d’un diapason plutôt bas (430Hz) et une prise de son un peu sèche. Ici l’esprit de salon domine, écho d’un Chopin plus à son aise dans l’intimité du cercle amical, à contre-pied de la plupart des versions déjà publiées, exubérantes et contrastées, à l’instar de celle de Yo-Yo Ma et Emanuel Ax (Sony), sensuel violoncelle et clavier ample. Ce Chopin de la Sonate pour violoncelle et piano, publiée quand sa relation avec George Sand touche à sa fin, se révèle introspectif. Dans cette interprétation souple, où chaque note respire naturellement, la virtuosité, souveraine et invisible, n’existe qu’au service de la musique (Polonaise brillante). Choix pertinent du programme, avec le Nocturne op.15 n°1 de Franchomme, l’ami, le confident, «le bon Franchomme» comme l’appelait Chopin, interprété d’un archet à la pudeur et à la tendresse infinies, dont les accents quasiment schubertiens font le lien avec la célèbre Sonate pour arpeggione et piano de Schubert, nimbée de couleurs automnales, entre l’ombre et la lumière: magnifique transition sur les pointes entre l’Adagio et l’Allegretto, véritable moment de grâce, trouvé et perdu au même instant.