Comme il est déroutant, cet Allegro non troppo solaire qui ouvre la Sonate pour violoncelle de Chostakovitch, si éloigné du témoignage ombrageux laissé par le compositeur en compagnie de Rostropovitch (Warner)! Entre l'accompagnement limpide de Mustonen et l'élocution châtiée d'Isserlis, on pourrait croire à une forme de détachement émotionnel. Nous y percevons plutôt de l'ironie, comme en attestent ce vibrato outré et ces glissandi sardoniques. L'Allegro persifle, parodie de menuet maculé d'accents vulgaires. Le Largo, très pudique côté piano, est énoncé par le violoncelliste comme une sourde plainte. Trop retenu, le finale? Ce tempo modéré nous évoque le der nier mouvement de la Cinquième Symphonie, qui perd son caractère sarcastique si l'on y met trop de vélocité. La Sonate de Kabalevsky est une merveille, les interprètes se montrant ardents dans l'Andante molto sostenuto, minutieux et tempétueux dans l'Allegretto suivant. Plus de pesanteur chez le pianiste dans le perpetuum mobile de l'Allegro molto eût apporté davantage d'ambiguïté. Parmi les pièces de moindre envergure qui complètent ce programme, on admire la raucité du jeu d'archet et la noirceur du clavier qui font de la Ballade de Prokofiev un pur cauchemar.