Steven Isserlis, comme tout le monde, s’est retrouvé à l’arrêt au début du printemps 2020. Le violoncelle solo fut une planche de salut : il se remit à travailler une grande Suite que Frank Merrick (1886-1981) lui avait donnée en mains propres. Notre jeune virtuose avait alors dix-sept ans et s’était pris d’affection pour ce pianiste qui futl’élève de Leschetizky et débuta sous la baguette de Hans Richter … Cette vaste Suite dans le style du XVIII e siècle, probablement écrite dans les années 1920, est un hommage à Handel autant qu’à Bach. Isserlis y introduisant sa maîtrise du baroque et de la pratique « historiquement informée », le résultat, fort agréable à écouter, pourrait tromper plus d’un auditeur ! Britten est également au programme avec deux partitions taillées pour Rostropovich : le vigoureux Thema qu’il écrivit en 1976, déjà très affaibli, pour le soixante-dixième anniversaire de Sacher, et l’importante Suite no 3 (1971), ici défendue avec passion et engagement. Isserlis l’agrémente de quelques tunes traditionnels constitutifs de la Suite, discrètement accompagné par sa nouvelle partenaire en musique de chambre, Mishka Rushdie Momen ; le dernier tune est même livré en polyphonie de violoncelles par la magie du rerecording. Deux Walton suivent, le bref Thème pour un prince écrit pour les vingt-cinq ans du prince Charles, et surtout la magnifique Passacaglia (1980), elle aussi taillée pour Rostropovich—une page qu’il adore, et cela s’entend. Une charmante petite folie baroque orne encore ce jardin anglais : une Courante de John Gardner toute en « pizz », qu’Isserlis jouait adolescent. On en ressort avec Sola (2000), piécette très prenante écrite par Thomas Adès en une soirée de solitude. Son amie Zoë Martlew, surchargée de travail, lui ayant posé un lapin, il lui envoya la partition dans la nuit, par fax. Toute une époque. Ce joli parcours est agrémenté d’une notice savoureuse d’Isserlis. On connaît son humour et ses dons de conteur ; dommage qu’Hyperion la réserve aux anglophones.