Attention, ce disque courageux où se reconnaît l’appétit de répertoire de l’iconoclaste Mahan Esfahani, cache un chef-d’œuvre. Le claveciniste nous en avertit dans sa note d’intention : le Concerto que composa Viktor Kalabis en 1975 pour son épouse Zuzana Růžičková, interprète majeure de l’œuvre de Bach, rescapée des camps de la mort (où d’ailleurs elle croisa Hans Krása qui y périt), est d’entre tous les concertos composés pour cet instrument au XXe siècle, l’opus majeur.
Comment ne pas lui donner raison : le feu serré des cordes brûlant le clavecin tout au long d’un Allegro noté (ironiquement) « leggiero », la désolation de l’Andante dès la plainte mortifère de l’alto, où se rappellent le tragique de l’Histoire, l’alacrité mordante du Finale qui évolue vers une musique d’une intériorité troublante, emplie de fantômes, achevée par deux accords énigmatiques du clavecin, tout cela forme une partition fascinante. Alexander Liebreich en est aussi conscient que Mahan Esfahani égalant la version princeps des deux époux (Supraphon, 1980).
Après cela, revenir au simple giocoso du Concerto de Martinů, partition délicieuse, ou aux persifflages si revigorants de la Kammermusik de Krása semblera à beaucoup impossible, commencez donc par eux, musiques de pur plaisir avec une pointe d’étrange chez Krása, toujours tenté par une nuance surréelle, avant d’entrer dans l’univers Kalabis.