De disque en disque, Angela Hewitt alterne entre le décevant et l’excellent. Avec ce quatrième volume de son intégrale des Sonates de Beethoven pour le label Hyperion, elle est à son meilleur. On a là un piano à la technicité exemplaire. Tout y est perfection, ou presque: les courbes mélodiques admirablement bien construites et dessinées, les nuances qui brillent par leur finesse, leur profondeur et leur variété, la polyphonie admirable de clarté (la fugue de l'Allegro de l'Opus 101!). Angela Hewitt alterne les climax avec le plus grand art et virevolte sur le clavier avec un évident plaisir. Son Beethoven est vivant, limpide et semble couler de source. Il faut dire que la pianiste canadienne suit la partition de très près, jusque dans l’intensité d’un soupir pourrait-on dire. Elle restitue le tout avec la plus grande précision, dans un acte de foi manifeste. Est-ce pour autant suffisant pour en faire un grand disque? Assurément, même s’il manque peut-être ce petit supplément d’âme, ce petit rien capable de porter la musique encore plus loin et de la rendre si proche, si intime, si touchante.
On renvoie nos lecteurs aux Beethoven de Kovacevich (EMI), Gilels (DG) ou Serkin (Sony) si besoin. Mais ne passons pas à côté de celui d’Angela Hewitt. C’est un «piano d’école», admirablement efficace dans le rendu, grâce aux immenses moyens techniques de la pianiste. Et saluons le beau piano Fazioli à la sonorité claire et chaude, aux basses profondes, pour une fois à l’honneur sur un enregistrement.