Robert Levin est aujourd’hui, de la tête et des doigts, l’un des musiciens les plus intéressants, les plus pertinents et les plus accomplis. Logiquement, et sans contresens, c’est lui qui dirige avec discrétion et élégance les interprétations de ces sonates de Beethoven pour 'pianoforte et violoncelle' et non l'inverse. Il parvient à galvaniser un Isserlis des grands jours, que l’on redécouvre. Ce n’est pas lui taire injure de dire qu’il n’est pas le meilleur violoncelliste, ni pour la qualité du son, ni pour la technique de son instrument; mais l'énergie et l'engagement alliés à un travail poussé sur l'esthétique sonore et l’équilibre instrumental avec le pianoforte font de cet enregistrement l’un des lus intéressants qui soient. Robert Levin et Steven Isserlis parviennent en effet dans les Sonates op. 5 à un équilibre sonore naturel leur permettant d’associer la verve classique et la liberté pré-romantique présentes dans ces deux partitions de jeunesse. On perçoit également parfaitement comme le style beethovénien s’affirme dans la Sonate op. 69, comme l’écriture se dessine et se structure, en une véritable fête permanente et perpétuellement attrayante. Il ne faudrait toutefois pas penser que l’on assiste à une conférence esthétique : au contraire, cette justesse de propos doit sa réussite à l’enthousiasme des deux musiciens qui parviennent brillamment à dégager de chaque mesure une âme musicale convaincante, à l’image de la Sonate op. 102 no 1. Étrangement, la dernière sonate, davantage retenue, se livre moins, tout comme les compléments (Variations et Sonate pour cor). Cela reste néanmoins une version hautement recommandable, qui ne nous fera pas oublier Gulda/ Fournier (DG), Richter/ Rostropovich (Philips) ou Barenboim/Du Pré (EMI), mais se révèle prioritaire pour qui souhaite une interprétation avec pianoforte.