Patrick Szersnovicz
Diapason, France
avril 2014
PERFORMANCE
RECORDING

Musicien remarquable et savant, fin connaisseur des classiques viennois, interprète rompu aux instruments d'époque, Robert Levin est-il pour autant le partenaire idéal de Steven Isserlis. Prodigieux virtuose de la main gauche et du jeu d’archet? Le premier joue une copie d'un Walter de 1805, le second un Stradivarius de 1726 monté en boyau pur (corde de la) ou renforcé (cordes d'ut, sol et ré). C'est dans les deux Sonates op.5 (1796), tour à tour concertantes et opératiques, que le relatif déséquilibre acoustique entre un pianoforte assez anguleux et un violoncelle bien davantage poétique et sonore dérange le plus. Car Beethoven, ici, réserve la part du lion au clavier.

On a à juste titre assez pesté contre la lourdeur des pianos modernes dans les duos beethovéniens pour ne pas trop ergoter, d'autant que Levin comme Isserlis font assaut de précision rythmique et d'accents subtils. Sommet d'inspiration, la Sonate op.69 (1807-1808) bénéficie d'une lecture nerveuse, concentrée, d'une belle musicalité, qui ne le cède en énergie, en âpreté, en modelé qu'aux plus grandes versions sur instruments modernes. Les trois séries de variations, la transcription de la sonate pour cor et piano et plus encore les deux sonates «expérimentales» de l'Opus 102 (1815) prennent un relief parfois saisissant (Sonate en ut), où la plénitude de l'archet et la légèreté du clavier rivalisent d'efficacité: Isserlis et Levin jouent sur la continuité dramatique autant que sur les oppositions d'atmosphères.