RECORDING
Imagine-t-on un chantre officiel attaché à l'Elysée, écrivant des musiques à l'occasion de cérémonies de galette des rois ou de remise de décoration à telle chanteuse yéyé sur le retour? Un cauchemar! Pourtant, de l'autre côté de la Manche, un musicien a l'insigne honneur d'être le compositeur de la Reine. C'est ce qui arriva en 1975 à Malcolm Williamson. Australien installé à Londres dès les années 1950, et successeur d'Arthur Bliss à ce poste.
Ses concertos pour piano(s) se partagent entre deux esthétiques. Les Concertos nos 1 et 3, bariolés de technicolor, s'enivrent d'énergie et de brio. Le premier (1958) navigue entre Khatchaturian et le Rachmaninov de la Rhapsodie sur un thème de Paganini—il y a pire comme référence. Mais il se perd en chemin et passe par des envolées orchestrales d'en pompiérisme outré—le Poco presto nappé de sirop comblera les amateurs. L'autre tendance, culminant dans le Concerto pour deux pianos et cordes (1971), instaure une ambiance davantage tendue et moderniste : rythmes acérés, cordes plus froides, mélodies assez heurtées. En dépit de dissonances, le pont menant à l'atonalité n'est pas franchi. Etrange Lento semblant venir tout droit des Premiers hommes dans la Lune de H.G. Wells ; les harmonies des pianos mêlées aux cordes angéliques dans les aigus rappellent Messiaen.
Le Concerto no 2(1960) a un pied dans chaque esthétique. L'Andante lento habité—dont le crescendo fait son effet—renvoie au Jardin féerique de Ravel. L'Allegro con spirito remplit son contrat. L'ultime concerto (1993-1994) le plus faible, revient aux recettes qui ont fonctionné plus de trente ans auparavant. Mais le cœur n'y est plus. Drôle de musique, quelquefois d'une étonnante naïveté, flirtant avec le kitsch (les cuivres «glorieux» du Concerto no 3). Défendu avec conviction et sa technique brillante par Piers Lane, Williamson rejoint le cercle des très bons artisans dont les œuvres, distrayantes sur le moment, ne laissent pas un grand souvenir.