RECORDING
Il y a quatre ans (cf. n° 576), Stephen Layton séduisait Ivan A. Alexandre par un Messie au triptyque hautement contrasté, depuis la douceur pastorale de la nativité jusqu’à l’éclat de Pâques en passant par la couronne d’épines. L'an dernier, sa Passion selon saint Jean (avec, au lieu de l’aventureux Britten Sinfonietta, un Orchestra of the Age of Enlightenement convenu et terne) était loin de retrouver l’intensité du volet central du Messie, mais cet Oratorio de Noël (avec l'OAE de nouveau) renoue avec l’art du tableau, l’aisance et la lumière du premier.
Layton a cette fois troqué les dames de Polyphony contre les demoiselles de Trinity College (Cambridge). L’élite des chœurs britanniques est toujours à l'œuvre: ce «Ehre sei dir Gott» où pas un mot n’est voilé par l’élan vif, tout en rebond, «sur les pointes», n'a pas grand-chose à envier au Monteverdi Choir (Archiv, Diapason d'or). Sa texture formidablement claire nous fait douter d'entendre vraiment les presque quarante voix listées dans le livret.
On pense plus d'une fois au disque de Gardiner en découvrant cette approche dominée par l’élégance, dans les airs autant que les chœurs. Les premiers coups de timbales ne sont pas un ébranlement de l’univers, dans la lignée des inoubliables Richter (Archiv) et Harnoncourt (Teldec), mais une invitation souriante à la danse. L'air avec écho nous laisse émerveillé par le vibrato doux de Katherine Watson (son charme fait oublier les phrasés terre à terre du hautbois), le trio suspend ses vocalises galantes avec un goût divin, et James Gilchrist, allégeant partout le timbre à la façon d’une haute-contre à la française, semble un berger adolescent à l’entrée de la crèche … où le vaillant Matthew Brook oublie, en revanche, d'enlever ses sabots (non, agiter le gosier ne fait pas un trille). Les révérences attendries du choeur «Fallt mit danken», au ternaire très retenu, tourneraient à la mièvrerie si Layton n’était pas absolument maître de ses effets. Mais si peu de couleurs ici dans l'orchestre, si peu de grain dans ces cors délavés et ces hautbois aigrelets … Layton nous invite à contempler une crèche sans ombre, sans paille, sans agneau aux pieds liés annonçant la mission du nouveau-né. Même dans le dernier numéro, où Bach superpose un choral de la Passion à la trompette en parade (et où Harnoncourt, Gardiner, Jacobs, Richter, nous donnent le frisson), il résout harmonieusement les conflits. Sonnez hautbois, résonnez musettes, accourez, hédonistes !